- CAFÉ-THÉÂTRE
- CAFÉ-THÉÂTRECAFÉ-THÉÂTRELa naissance du café-théâtre à Paris ne peut se comprendre que dans le contexte de la création théâtrale. Celle-ci, telle qu’elle apparaît au public, ne représente qu’une minime partie de la production réelle, et le nombre d’auteurs dramatiques est supérieur aux besoins des programmateurs de salles.C’est pourquoi, à côté des salles subventionnées et des salles de théâtre privées, se sont développés de nombreux petits théâtres, que l’on a appelés, selon les époques, «théâtres d’art», «d’essai», «de recherche». C’est ainsi que sont nés les cafés-théâtres. Des auteurs inconnus y ont vu jouer leur première pièce, des metteurs en scène y ont monté leur premier spectacle, et des comédiens frais émoulus des cours dramatiques y ont affronté pour la première fois le jugement du public. Certains de ces petits théâtres devinrent ainsi de véritables pépinières d’où sortirent des auteurs, des metteurs en scène et des comédiens, qui furent ensuite «récupérés» par des directeurs de grandes salles.Sans doute, il y avait eu déjà des cabarets ou des cafés-concerts, mais les représentations de variétés, et plus particulièrement de chansons, constituaient l’essentiel de leurs programmes. Tavernes, cabarets, estaminets, cafés, bistrots et tous autres endroits où l’on consommait des boissons de toutes sortes étaient les lieux idéaux où baladins et comédiens venaient chanter, jouer ou faire des tours de magie. Les Américains n’innovèrent donc pas, lorsque dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, ceux d’entre eux qui s’intéressaient au théâtre expérimental et qui avaient beaucoup de mal à trouver des salles eurent recours à des espaces réduits (caves, boutiques, pièces d’appartement...). La Mama, le Café Cino, le Judsons Poets Theater, le Living Theater, le Theater Genesis firent ainsi partie vivante et créatrice de cet off-off Broadway . Informé de l’existence de cette forme de spectacle, différente du théâtre conventionnel à la fois par l’esprit, par la méthode et les moyens, Bernard Da Costa, jeune auteur dramatique, décida que, puisque son théâtre ne pouvait pas être in , il serait off , c’est-à-dire «ailleurs». À la suite d’une petite annonce qu’il aurait mise dans le Journal de l’hôtellerie , il se vit proposer par Michel Guitton, qui en était propriétaire, la salle du café Le Royal à Montparnasse, pour y donner spectacle. C’est ainsi que s’ouvrit à Paris, en mars 1966, le premier café-théâtre d’Europe.L’histoire de tous les cafés-théâtres qui fleurirent à Paris et, au cours de la dernière décennie, en province montre que les difficultés rencontrées par l’«inventeur» du genre sont communes à la quasi-totalité des salles. D’ailleurs, les seuls lieux qui survécurent furent ceux dont l’exploitant était un directeur avisé, bon administrateur et gestionnaire instruit des méthodes commerciales rentables. Celui-ci devait être aussi un amoureux du théâtre, à l’esprit accommodant. Il lui fallait également beaucoup de persévérance pour mener à bien l’implantation d’un spectacle dans un endroit qui n’était pas voué à cet usage. Il fallait aussi que les spectacles présentés fussent de qualité et, tout particulièrement, originaux. Depuis cette époque, un certain nombre de lieux se sont imposés, et leurs animateurs ont contribué à donner au café-théâtre ses lettres de noblesse. Da Costa, lorsqu’il quitta le Royal, s’installa ainsi dans la cave du Bœuf à l’escamote, puis sur le bateau-mouche La Patache , et rue Vivienne au Colbert. Au même moment, peut-être même avant, Maurice Alezra recevait des comédiens dans son épicerie-buvette, à la Vieille Grille. Romain Bouteille s’y produisait, et Rufus, Zouc, Bernard Haller, Brigitte Fontaine, Jacques Higelin y firent leurs premières armes. La Vieille Grille fut un véritable tremplin pour toute une génération de jeunes comédiens. Dans le même temps, Eddie Suffet ouvrait rue des Deux-Ponts, dans l’île Saint-Louis, son premier établissement. Il déménagea plus tard à deux reprises avant de s’installer définitivement, avec le Fanal, rue Saint-Honoré. La qualité de ses programmations font de lui un des plus astucieux animateurs de café-théâtre.Après l’ouverture de ces premières salles, la contagion est rapide: on crée, on programme et on joue dans des lieux qui se nomment: le Bilboquet, la Grande Séverine, le Bistingo, la Bombarde, le Gill’s Club, le Lambruche, le Ludiquon bleu. En douze saisons, on dénombrera plus de cent lieux qui, pour des périodes souvent éphémères, fonctionnèrent sous le nom bénéfique, et sans doute un peu magique, de «café-théâtre». Il en subsiste bon an mal an à Paris une vingtaine dont la moitié ont plus de cinq années d’existence.On peut distinguer trois périodes dans l’histoire du café-théâtre: celle des pionniers, celle des copains et celle des patrons. Du temps des pionniers, il convient de retenir les noms de quelques lieux qui se distinguèrent tant par la qualité de leur répertoire que par la personnalité de leur animateur. Ainsi, après le Royal, le Fanal, et la Vieille Grille, s’ouvrirent, sur la rive gauche, l’Absidiole, animé par Jacques Bocquet, le Tripot par Stéphan Meldegg, et le Sélénite par Paul Grenouel.Dans les premières années du café-théâtre, plus de cinquante salles tentèrent ainsi de s’implanter. De cette époque des pionniers, il faut rappeler encore que la Vieille Grille fut le berceau du one-man-show, tandis qu’au Fanal et au Sélénite de nombreuses créations d’auteurs connus ou maintenant célèbres étaient présentées.L’époque des copains commence avec Romain Bouteille, qui fut le chef de file d’un mouvement qui se développa tout d’abord au Café de la Gare, puis au Vrai Chic Parisien qu’anima Coluche. Il y aura ensuite le Splendid, la Veuve Pichard, et aussi le Tout-à-la-Joie. Ces jeunes compagnies, qui se rassemblaient autour d’un ou de plusieurs animateurs, s’organisaient en une sorte de communauté de création et de production. L’invention et le montage d’un spectacle étaient le plus souvent collectifs, fruits de la concertation de tous les membres, et modelés «sur le tas» au fur et à mesure des répétitions. Malgré quelques incursions dans le système commercial théâtral qu’il réprouve et combat, Romain Bouteille poursuit ses réalisations à l’écart du show-business, tandis que Miou-Miou, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Coluche font les carrières que le cinéma a consacrées. Parmi les comédiens de l’époque des copains, il convient de citer encore Patrick Font et son compère Philippe Val. Les réalisateurs de cinéma et de télévision allèrent chercher au Splendid ou à la Veuve Pichard des comédiens à qui ils confièrent des rôles secondaires, mais toujours très remarqués. C’est au Splendid, par ailleurs, que prit naissance le Grand Orchestre du Splendid, qui est devenu le premier orchestre attractif, dans la lignée des Ray Ventura et Jack Hélian, d’une époque qu’on dit rétro. Le Tout-à-la-Joie, situé rue de l’Ouest, disparut en revanche sous la pioche des promoteurs. Jean-Paul Sèvres en fut l’animateur.Quant au temps des patrons, il commença en réalité avec celui des pionniers, mais ceux-ci ne furent pas tout de suite des patrons et il ne savaient pas qu’ils le deviendraient. C’est ainsi que le Fanal et le Sélénite sont aujourd’hui dirigés par de vrais patrons. Citons, tout d’abord, Claude Tulié qui ouvrit le Bec fin en 1971, sur la rive droite, près de l’Opéra, et Lucien Gibarra qui créa, à la même époque, la Pizza du Marais, devenue depuis les Blancs Manteaux. Gibarra fut aussi durant plusieurs années le programmateur de la Cour des Miracles, ouverte par Joseph Sandor. C’est au Café d’Edgar que s’installa Alain Mallet, qui ouvrit ensuite dans la boutique voisine le Théâtre d’Edgar. Le Coupe-Chou est animé par Francis Nani, le Petit Casino par Alain Ferran, le Plateau par Michel Larrivière, les 400-Coups par Claude Pimont, le Connétable par Guy Gravis.Le café-théâtre a permis à de nombreux auteurs, à des metteurs en scène et à des comédiens d’accomplir leur travail. Il fut le creuset du one-man-show, une pépinière pour le théâtre officiel et un véritable tremplin pour des comédiennes qui ont pu enfin s’épanouir et s’imposer. Mais, au café-théâtre aussi, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Parmi les centaines de comédiens et comédiennes qui présentèrent un spectacle de «solitaire», quelques-uns seulement ont atteint une dimension nationale: Coluche, Bernard Haller, Rufus, Zouc, Sylvie Joly, Josiane Balasko, Jacques Villeret.Mais, si quelques interprètes, une fois devenus célèbres, s’installent pour des mois sur les scènes parisiennes, la récupération s’effectue beaucoup plus dans l’autre sens. C’est ainsi que l’on voit fréquemment des acteurs chevronnés présenter un spectacle dans une petite salle. C’est oublier la vocation du café-théâtre, qui fut longtemps d’aider de jeunes comédiens à tenter leur chance.• v. 1965; de café(II) et théâtre♦ Petite salle où l'on peut éventuellement consommer et où se donnent des spectacles scéniques (souvent comiques) échappant aux formes traditionnelles. Des cafés-théâtres.café-théâtren. m. Petit théâtre où l'on peut assister au spectacle en consommant. Des cafés-théâtres.café-théâtre [kafeteɑtʀ] n. m.ÉTYM. V. 1965; de 2. café, et théâtre.❖♦ Petite salle où l'on peut éventuellement consommer et où se donnent des spectacles scéniques échappant aux formes traditionnelles. || Des cafés-théâtres. || « Dans l'un des plus charmants cafés-théâtres de Paris une parodie tonitruante des mythes du western » (l'Express, 27 nov. 1972).0 (…) il dit que les spectacles qu'on donnait maintenant à Paris étaient exécrables, sauf une petite pièce dans un café-théâtre de la banlieue : celle-là était à mourir de plaisir.Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 152.
Encyclopédie Universelle. 2012.